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Les abricots bonne mine

Il est le compagnon idéal des encas d’été. Bien choisi, il se laisse préparer de multiples façons, même s’il n’est pas si facile à cuisiner

Il est potelé, charnu, joufflu. Sa couleur veloutée se pare souvent d’un beau blush écarlate sur l’une de ses faces, comme si, timide, il rougissait. Ses deux oreillons, rebondis et gorgés par le soleil, respirent la santé : la bonne mine de l’abricot ferait saliver n’importe qui. Fruit d’une saison parfois trop courte (il débute en juillet mais peut disparaître des marchés dès la mi-août si le soleil fait défaut), l’abricot est le compagnon idéal des encas de l’été : juteux mais pas coulant comme sa cousine la pêche, il ne s’épluche pas et offre, s’il est de bonne qualité, une chair parfumée et pulpeuse, tirant vers l’acide juste ce qu’il faut pour ne pas déranger le palais.

Un des rares fruits qui cesse de mûrir une fois récolté

Il est parfois trompeur. Attirant l’œil, son apparence sonne comme une promesse de délices, mais le résultat peut se révéler décevant : cueilli trop tôt, comme dans la plupart des productions industrielles, il sera dur, sans goût ni jus, faisant redescendre d’un coup l’ascenseur émotionnel et gustatif. De son vrai nom Prunus armeniaca vulgaris, l’abricot est en effet l’un des rares fruits qui cessent de mûrir une fois récoltés. Il ne faut pas seulement se fier à sa belle couleur « coup de soleil », il faut aussi le tâter pour vérifier sa bonne souplesse, gage de « jutosité », car, comme son nom latin l’indique (praecoquum), c’est un fruit précoce qui fleurit très tôt au printemps.

Celui qu’on surnomme « prune d’Arménie » vient avant tout de… Chine, où l’on trouve sa trace il y a quatre mille ans à l’état sauvage, et d’Inde du Nord. Il emprunte en- suite la route de la soie pour arriver en Iran, en Arménie puis en Grèce, en Italie et enfin en France. Au Moyen Âge, on l’accuse de différents maux, comme de provoquer la fièvre. Le jardinier de Versailles La Quintinie, qui en plante plusieurs variétés dans les jardins du roi, l’aurait cantonné aux confitures, lui préférant la pêche…

Les abricots

En France : « la meilleure qualité de fruits à noyaux du monde »

Aujourd’hui, la Turquie domine largement le marché mondial, la France se situant à la deuxième place des pays producteurs de l’Union européenne. « Cette année, nous avons eu un ensoleillement précoce, qui a permis aux fruits de concentrer le sucre et le goût, c’est une bonne récolte, se félicite Yoni Cohen, dirigeant de la Maison Colom à Rungis et fournisseur de nombreux chefs étoilés (Yann Couvreur, Pierre Hermé, Ladurée, Cédric Grolet au Meurice…). En France, nous avons la meilleure qualité de fruits à noyaux du monde, ils sont donc un peu plus chers que les autres, industriels, mais c’est le prix de la qualité et du soutien à la culture et au savoir-faire français. » Plusieurs variétés se relaient pendant l’été, de la Provence au Vaucluse, en passant par le Var : les abricots Bergeron arrivent les premiers, puis viennent les Orangered, et enfin les Bergarouge. Plutôt robustes, les abricots pêchent par leur fine peau, qui se parsème de taches sous l’effet du vent ou de la grêle.

Tartes à l’abricot, cheesecakes… Aussi bon cuit que cru

Peu calorique, bourré de carotène à effet « bonne mine », chargé de vitamines A et de fibres, il se laisse pré- parer de multiples façons en cuisine. « Un fruit est toujours meilleur cueilli sur l’arbre, au naturel, concède le pâtissier Yann Couvreur. Pour donner de la fraîcheur à l’abricot, j’utilise souvent les herbacées comme le romarin, le thym, le thym-citron ou même la coriandre. Cette dernière lui donne une audace, comme dans une purée. » Si on veut le cuire, il faut garder la main légère : en cheese-cake ou dans une tarte abricots-noisettes, mieux vaut garder les oreillons entiers, juste cuits à point, au four, pour les compoter légèrement (voir la recette ci-dessous).

tarte abricots-frangipane

Attention à l’acidité qu’il développe à la cuisson

Ce n’est pas parce qu’il s’accorde aussi bien cru que cuit, en dessert, mijoté ou au beurre salé, que l’abricot est facile à cuisiner : « C’est l’un des fruits les plus durs à préparer, car il dégage une forte acidité lorsqu’il est cuit, en tarte par exemple, ce qui agresse le palais, estime Jérôme Chaucesse, pâtissier de l’hôtel de Crillon à Paris. J’ai donc fait un gros travail de recherche sur la cuisson pour éviter cela. » Le chef du palace affectionne les Bergeron, pour leur taille moyenne, leur jolie couleur et le bon équilibre entre la chair et la peau, qui renferme tous les vitamines et l’essentiel du goût. « Je les découpe et je les cuis sous vide à 90 degrés pendant plus d’une heure, soit avec de la cassonade et du miel, soit avec des feuilles de verveine, explique-t-il. Ainsi, tous les parfums restent concentrés et l’acidité est maîtrisée. »

Cette compotée garnit des desserts de luxe comme le millefeuille à l’abricot infusé à la verveine. Ou accompagne un mélange plus gourmand avec la noisette d’un Paris-Brest. « En coupant le chou, on a la surprise d’un fruit coulant, sans sucre ajouté, qui garde bien en bouche sa maturité. » Jérôme Chaucesse surveille ainsi ses Bergeron comme le lait sur le feu, pour les utiliser à maturité parfaite, en fonction de l’utilisation qu’il veut en faire. Et tant pis si la limite est dépassée : l’abricot tanné se prête parfaitement aux confitures. Ainsi, il invite son petit goût d’été au beau milieu de nos goûters d’hiver.

Charlotte langrand


La recette facile à l’abricot

 

La recette de Yann Couvreur*

Tarte aux abricots et à la noisette

 

Ingrédients (pour 6 personnes)

10 abricots. Pâte sucrée : 60 g de beurre, 40 g de sucre glace, 12 g de poudre d’amande, 100 g de farine tradition, 1 œuf, poudre de vanille (0,10 g), fleur de sel (0,20 g)
Crème de noisette : 75 g de beurre, 75 g de sucre glace, 50 g de pâte de noisette, 75 g de poudre de noisette, 1 œuf, 6 g de poudre à crème
Décor : 30 g de noisettes concassées, 10 g de codineige (poudre décor blanche), 30 g de nappage

recette

1– au robot, mélanger à la feuille le beurre mou et le sucre glace préalablement tamisé. ajouter la poudre d’amande, la fleur de sel et la poudre de vanille. racler les bords à la spatule puis mélanger de nouveau. ajouter l’œuf au fur et à mesure. racler à nouveau les bords à la spatule puis mélanger de nouveau. ajouter la farine en deux fois.

2– Mélanger le beurre et le sucre glace au batteur à l’aide d’une feuille. ajouter l’œuf en trois fois et finir avec la poudre d’amande et la poudre à crème.

3– Étaler la pâte sucrée sur 3 mm d’épais- seur et détailler dedans un carré de 22 cm. le positionner dans un moule à tarte carré, de 18 cm. réserver au frigo pendant une heure. 4– Précuire le fond de tarte à 170 degrés pen- dant 20 min. Verser ensuite dessus 200 g de crème de noisette, disposer les abricots coupés en deux, ajouter les noisettes concassées et cuire à 170 degrés pendant 18 min. une fois la tarte refroidie, napper et mettre le codineige à l’aide d’une passette.

Pâtisserie Yann Couvreur, 137, avenue Parmentier, Paris 10e.

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Charlotte Langrand

Journaliste au Journal du Dimanche (JDD) rubriques Gastronomie-Cuisine, santé-bien-être

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