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Le temps de la cerise

La saison est courte, mais les variétés et les couleurs sont nombreuses. On peut la déguster nature, en pâtisserie ou même avec une viande de caractère

Elles font office de boucles d’oreilles pour les enfants. Elles évoquent des parties de cueillette au jardin et des kilos de fruits aussi vite engloutis que ramassés. Elles sentent bon les premiers parfums de clafoutis dans la cuisine. Le joli temps des cerises est court – on les récolte de mi-mai à fin juin, voire juillet pour les plus tardives –, mais il n’est pas avare en souvenirs gourmands. Ce fruit à noyau, qui n’a pas de terroir de prédilection, compterait près de 600 variétés. Chaque année, c’est la commune de Céret, dans les Pyrénées-Orientales, qui cueille les premières. La tradition veut, depuis 1932, qu’on envoie un cageot de cette belle primeur au président de la République fin mars.

Le temps de la ceriseDes variétés de cerises multiples

La cerise revisite les nombreuses palettes des rouges, du grenat profond au vermeil éclatant, virant parfois au noir ou jouant sur le blanc et le jaune. Ronde ou en cœur, elle est plus ou moins charnue et acidulée. « La charge de soleil est différente selon les régions, cela fait varier le taux d’acidité, explique Stéphan Perrotte, fondateur de la Maison Perrotte et meilleur confiturier de France 2014. Celle de Céret est acidulée, je la travaille nature, avec du jus de citron. Celle du Ventoux, très rouge, est plus sucrée. » Ce champion du monde de confiture la cuit « entre dix-huit et vingt minutes » pour ne pas brûler la pectine naturelle du fruit et en fait des confitures classiques ou plus inventives, avec des amandes amères, du piment d’Espelette ou un peu de kirsch (avec la noire d’Alsace).

Bigarreau, Burlat ou Bellise…

La vie d’un amateur de cerises contient plusieurs séquences de dégustation. Il commence par les plus connues, la bigarreau et la burlat, douces, issues du Prunus avium (cerisier des oiseaux) ou merisier. Il goûte aux fruits du Prunus cerasus : les griottes, plus amères. Il vogue à l’envi de la juteuse napoléon ( jaune et rouge, à la chair blanche) à la croquante Bellise, en passant par la robe rouge foncé de la Giant Red ou la méconnue cerise de Montmorency, petite, très claire et aigrelette.

On trouve trace des merisiers dès le néolithique et les premiers essais de culture européenne seraient grecs et romains. En France, au Moyen Âge, on exploite l’arbre pour ses fruits et son bois. C’est Louis XV qui enclenche sa culture moderne. Aujourd’hui, les chefs s’adaptent aux variations de goûts de ce fruit au fil de sa saison : « On commence avec les burlat, dont la douceur est idéale pour les sauces, puis les folfer, très fermes donc faciles à travailler crues », expliquent Chiho Kanzaki et Marcelo Di Giacomo, chefs du restaurant Virtus à Paris, qui les utilisent de l’entrée au dessert.

Des griottes, « pour leur goût et leur acidité »

La panacée reste de les manger crues : « Quand j’attaque un kilo de cerises, en général, il y passe, avoue le pâtissier Pierre Hermé. Je les récoltais en Alsace dans le verger de mes parents, qui étaient eux-mêmes boulangers-pâtissiers, et je les dénoyautais avec une machine à manivelle : c’était une vraie galère ! » Pas écœuré pour autant, il a créé une recette à la cerise pour son fameux dessert Ispahan. Une crème d’amandes à la pistache et un crumble parfumé à la cardamome y côtoient des griottes, « pour leur goût et leur acidité », et des grosses noires, « pour le côté charnu ». « C’est le gâteau que je mange le plus, poursuit le grand gourmand. Chaque année, j’ai un rituel : quand il est prêt, je le fais livrer d’office à des proches. C’est un signe de ralliement entre nous. »

Dans la mémoire gustative de Pierre Hermé, il y a également la recette-maison de son père, un mélange lait-sucre-œufs cuit au four, qui enrobait les fruits comme un flan ; mais aussi « le meilleur clafoutis aux cerises de [s] a vie », celui de Michel Bras, et les cerises dites « jubilé », poêlées au sucre avec un trait de kirsch et une glace vanille. « Une cerise, c’est bon au naturel. Il faut savoir apprécier un produit brut », avoue le chef Pierre Augé, de la Maison de Petit Pierre à Béziers, qui adore les burlat, « gourmandes et pleines de jus ». Mais il les cuisine aussi bien crues en entrée, dans un borsch (soupe froide à la betterave) à la faisselle et au piment d’Espelette, que dans un gâteau basque ou en glace, avec une crème chiboust à la sarriette et une tuile de sésame noir.

le temps de la ceriseCerises de dessert ou de plats salés

Pour compenser sa courte saison, la cerise s’accommode donc avec le salé. Conservée dans du vinaigre de cidre, elle s’utilise dans les plats chauds, apportant la fraîcheur de son sucre aux viandes de caractère. Le chef étoilé de l’hôtel Casadelmar à Porto Vecchio, Fabio Bragagnolo, s’en sert ainsi pour envelopper un jarret de veau corse, dont la chair, nourrie aux herbes du maquis, est puissante : « Je le prépare au foie gras, avec une sauce au porto, des cerises et des morilles en garniture. »

Chez Virtus, la Japonaise Chiho Kanzaki se souvient l’avoir découverte il y a dix ans au Mirazur de Menton, chez Mauro Colagreco. « Il faisait une incroyable salade de haricots verts et cerises à l’huile de pistache. Au Japon, on ne cuisine pas la cerise, c’est un fruit comme un autre. » Là-bas, on s’intéresse sur- tout au cerisier pour le majestueux arbre aux fleurs blanches dont la floraison, chaque printemps, fait le tour du monde.
Charlotte langrand


La recette facile de cerises

 

La recette de Chiho Kanzaki et Marcelo Di Giacomo*

Cerises, meringue et marc de saké

 

Ingrédients (pour 10 personnes)

Les cerises: napoléon, burlat, cœur de pigeon, 60 g de chaque.
La crème de saké: 125 g de crème fraîche, 70 g de chocolat blanc, 40 g de marc de saké
La compote: 200 g de cerises dénoyautées, 20 g de sucre semoule, 25 g de beurre
Le sorbet: 250 g de pulpe de cerises, 62,5 g de sucre semoule, 25 g de glucose
La meringue: 100 g de blanc d’œuf, 100 g de sucre semoule, 60 g de sucre glace

Recette

Pour la crème de saké, faire chauffer la crème dans une casserole jusqu’à ébullition. incorporer le chocolat blanc et le marc de saké. réserver au frigo pendant 6 heures. Fouetter comme une chantilly. Laver, dénoyauter et couper en deux les cerises. Pour la compote, mélanger les cerises et le sucre, laisser macérer 1 heure. dans une casserole, faire fondre le beurre. ajouter le mélange et cuire à feu doux pendant 10 minutes.

Pour le sorbet, chauffer le sucre et le glucose avec 50 g de pulpe de cerises, jusqu’à obtenir un mélange liquide, puis incorporer les 200 g de pulpe restants. Placer la préparation dans une turbine à glace.

Pour la meringue, monter les blancs en neige et ajouter le sucre. une fois la meringue montée, ajouter le sucre glace en une fois. Étaler sur un papier sulfurisé puis faire sécher au four (80 °c) deux heures.

Montage. Mettre la crème de marc de saké dans une assiette creuse et déposer les cerises et la compote. Piquer des morceaux de meringue.
Poser une quenelle de sorbet sur le dessus et des feuilles de menthe.

*Restaurant Virtus, 29, rue de Cotte, Paris. www.virtus-paris.com

 

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Charlotte Langrand

Journaliste au Journal du Dimanche (JDD) rubriques Gastronomie-Cuisine, santé-bien-être

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