Drôle de métier, souvent envié. Drôle de plume, à la fois attendue et redoutée par tous les cuisiniers français. A force de jouer avec les nerfs des chefs, le critique gastronomique devait bien finir par se faire lui-même croquer par l’un d’entre eux : Stéphane Méjanès, journaliste culinaire depuis sept ans (après trente dans le journalisme sportif), s’est penché sur les petits travers de ses confrères.
Avec ces dix portraits, on mesure à quel point le métier a changé depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale, après laquelle les journalistes ayant travaillé pour la presse collaborationniste n’ont été tolérés que dans deux rubriques, considérées comme inférieures : le tourisme et la gastronomie. Maintenant que les plats se dégustent avec les yeux, sur les réseaux sociaux, que les chefs devenus stars s’offrent des communicants et que les « instagrammeurs » font leurs choux gras des cuisines, de nouveaux profils sont apparus aux côtés des plumes historiques.
L’occasion pour Stéphane Méjanès d’identifier la « diva » empêtrée dans son égo ; le « Stakhanoviste », obsédé par la primeur de son coup de fourchette dans les nouvelles tables ; Le « pique assiette », qui piste les repas offerts ; le blasé, qu’aucune assiette ne fait plus saliver ou l’influenceur capable de tous les caprices pour réussir sa photo… C’est acide, satirique et humain, à l’image d’une profession qui lutte pour rester honnête malgré la concurrence des plateformes publiques de notation des restaurants. Au long de la lecture, on pense à Louis de Funès dans l’Aile ou la Cuisse, qui demande, le sourire en coin : « the menu, please ! »
Tailler une plume, éditions de l’Epure, 12 euros.