Peut-être l’avez-vous déjà croisée, dans les rues de Paris, juchée sur son vélo blanc grand format. Un cageot de légumes devant le guidon, ses couteaux et marmites sur le porte-bagages. La cheffe Chloé Charles, actuellement candidate dans l’émission Top Chef sur M6, peut compter sur son fidèle destrier pour voler d’une cuisine à une autre, librement. Cuisinière « nomade », sans restaurant attitré, elle est à l’aise dans son époque et avec sa réputation de cheffe engagée, à la fois militante « anti-gaspi » et responsable de sa petite entreprise.
Engagée mais à l’aise dans toutes les cuisines
Il serait pourtant réducteur de cantonner Chloé Charles, 33 ans, au cliché de la cheffe écolo qui ne prépare que des restes. « Je ne conçois pas mon métier sans être engagée dans l’écologie mais il ne faut pas tomber dans l’excès : on m’a déjà demandé de préparer un dîner entier à base d’épluchures… On ne cuisine pas qu’avec ça ou des carcasses de poulet ! Avant, il y a un beau produit que je m’applique à transformer. »
Car Chloé Charles sait tout faire : avant d’accommoder les restes, elle envoie une jolie cuisine contemporaine, souvent végétale, sourcée en France et très axée sur le goût. Elle sait aussi contourner le piège des modes alimentaires : « Aujourd’hui, on ne veut plus manger des quantités astronomiques de protéines animales mais je ne boude pas pour autant une belle viande, explique-t-elle. J’adore aussi préparer des plats végans mais sans prévenir : si on le dit, les gens détestent et si on ne leur dit pas, ils trouvent ça délicieux ! »
Des bouillons, des sauces et des marinades
Cette grande collectionneuse de livres de recettes pratique aussi une « cuisine cuisinée », avec des sauces, des marinades et des bouillons pleins de saveurs. Prenez par exemple une de ses « sauces-entrailles » : elle fait caraméliser l’intérieur d’une seiche avec l’encre, du beurre, des oignons, du thym, du laurier et de l’ail et filtre le tout. « Elle a cuisiné avec moi chez Rococo, mon ancien kebab, se rappelle son ami le restaurateur Alexandre Giesbert, qui était en même temps qu’elle chez Ferrandi. Elle sait s’adapter à tous les situations et styles de cuisine : poulet frit, kébab, brasserie, gastronomique, etc. Elle a un style très goûteux, pas intello-chiant ; des valeurs fortes et sincères et… aucun plan de carrière ! »
Une activité variée, nomade et libre
A la fois instinctive et pragmatique, Chloé Charles n’a pas voulu se laisser enfermer dans des fourneaux trop petits pour elle et a choisi d’embrasser toutes les facettes de son métier : elle fait autant du conseil en ouverture de restaurant et en mise en place de carte que des repas ; de l’événementiel ; des menus sur-mesure pour de petits groupes d’entreprise, en appartement, avec sa société appelée « Plimme » ; conseille les collectivités sur la réduction des déchets alimentaires ; participe à l’Ecole Comestible, qui éduque les enfants au goût… En somme, elle colle à l’air du temps, à cette jeune génération de chefs qui a inventé une façon plus libre d’exercer le métier, loin des grosses brigades concurrentielles. « Un jour, je fais un barbecue d’anniversaire dans un jardin à la cool, le lendemain un menu-dégustation avec accords mets et vins pour une marque de luxe, je donne un cours dans une maternelle et je pèse des sacs poubelles dans une cantine…expose la jeune femme, qui orchestre actuellement les
assiettes du Silencio pop-up, table éphémère à Saint-Germain-des-Prés jusqu’au 10 octobre. Je suis ma propre patronne car ce qui m’intéresse, au fond, c’est la liberté. »
Au début de son parcours, Chloé Charles comptait ouvrir son propre établissement pour ses trente ans. Le destin l’a menée ailleurs : quand elle entre chez Fulgurances, ce restaurant parisien qui offre des résidences à des jeunes chefs pendant quelques mois, elle réalise qu’elle n’est pas prête pour ce « stress-là » : « J’aime l’adrénaline de la mise en place et du service mais pas être responsable de la créativité d’une cuisine et de devoir la faire comprendre et reproduire par une équipe. Cela m’angoisse autant que de devoir choisir la playlist dans une soirée… Quand je suis seule, au moins, je peux changer d’avis vingt fois sans problème ! », rigole-t-elle.
Une vocation éprouvée et approuvée
Avant de savoir ce qu’elle ne voulait pas, la jeune cuisinière a testé sa vocation, d’abord à l’école Ferrandi (paris 6e) puis dans des maisons variées : « C’est un métier difficile, parfois j’étais épuisée. Au début, on nous apprend à tenir debout longtemps, à porter des choses lourdes, à supporter la chaleur… » A l’Epi Dupin chez François Pasteau, elle découvre les bases de l’antigaspi ; elle passe chez Lasserre puis démissionne de chez Anne-Sophie Pic, où elle « n’apprécie pas l’ambiance de grosse brigade où les mecs jouent les gros bras » ; à l’Astrance chez Pascal Barbot, elle savoure enfin « une liberté de dingue où le chef me demandais, à moi, petite commis, quelle garniture je voulais faire ! », tout comme à l’Agapé-Substance, période David Toutain, où elle rencontre sa future femme et enfin chez Septime de Bertrand Grébaut, où elle développe son côté créatif et sa compréhension des associations de produits.
Chloé Charles trace donc sa route en marge, touche-à-tout et travailleuse. Son enthousiasme n’a pas faibli depuis la classe de troisième, quand elle a compris que « la cuisine était un métier. » Petite, elle allait déjà avec son père manger des chouquettes aux portes ouvertes de Ferrandi, en face de chez eux. Pendant les vacances en Bretagne, à 7 ans, elle cuisinait des journées entières avec sa grand-mère, des gratins, des terrines, des poulets rôtis et des crumbles pour toute la famille, au lieu d’aller à la plage. Avec l’argent du babysitting, elle s’achète un robot cuisinier et, en grande admiratrice de Pierre Hermé, elle s’entraîne non-stop à réaliser des macarons : « ils étaient moches mais je les distribuais quand-même à mes amis, dans des boîtes siglées « PH »… Je voulais être pâtissière. » Petite, quand elle n’était pas sage, la seule punition efficace était de la priver de cuisine. Parions que c’est toujours le cas aujourd’hui.
Charlotte Langrand
Sa recette : Tartelette aux fruits et aux légumes
Ingrédients
Sablé au parmesan
- 100 g de beurre salé «
- 100 g de parmesan râpé
- 100 g de Farine T65
- Poivre du moulin
Sauce verte
- 100 g d’herbes (épinards, feuilles de salade abimées, persil, cresson…)
- 75 g de beurre noisette
- Sel et poivre
Les fruits et légumes
- 1 prune reine-claude (pas mûre)
- 1 pomme
- 1 poire pas trop mûre
- 1 petite courgette
- 1 petit concombre
- 1 piment doux vert
- 1 branche de basilic ou ce que vous aimez et tous les légumes verts que vous pourrez trouver.
Préparation
Pour le sablé : mélanger tous les ingrédients et laisser reposer au frais 20 minutes, puis étaler la pâte dans des moules à tartelette. Faire cuire environ 10 minutes à 170 °C.
Pour la sauce verte : dans un mixeur, mettre les herbes crues et verser le beurre noisette encore bouillant dessus.
Mixer au moins 3 minutes. Assaisonner sans ajouter d’acidité, sinon la sauce deviendra kaki !
Nettoyer tous les légumes et les tailler à la mandoline. Les utiliser tous crus pour plus de fraîcheur. On peut aussi griller les courgettes ou le concombre pour avoir une texture différente. Tailler les fruits finement et intercaler les feuilles de basilic.
Étaler une cuillerée de sauce verte sur le fond de la tartelette. Disposer fruits et légumes en commençant
par les morceaux les plus gros, afin de donner du volume. Veiller à bien répartir les différentes variétés pour
avoir un peu de tout à chaque bouchée.
Saler légèrement et ajouter des zestes de citron.
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