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Les nouveaux délices d’Asie

Des figures de la gastronomie parisienne réhabilitent enfin la cuisine d'Extrême Orient et font la peau aux clichés

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La cuisine « asiatique » traîne derrière elle une batterie de clichés, hélas souvent à juste titre. Accusée tantôt d’être bourrée de glutamate industriel qui uniformise les goûts, on la soupçonne même de rendre les gens malades et d’abuser du mélange des genres, mixant allégrement plats japonais, chinois ou thaï sur une même carte… La faute aux « traiteurs » et leur riz cantonais approximatif aux petits pois fatigués, leur porc au caramel roboratif ou leurs nems passe-partout…

Une nouvelle génération de chefs a décidé de faire la peau à ces stéréotypes. A commencer par ce terme de « cuisine asiatique », aussi réducteur que si l’on parlait d’une seule « cuisine européenne ». L’Asie n’a pas besoin de leçons gastronomiques, tant ses nourritures sont variées, regorgeant d’herbes, d’épices, de sauces aux identités différentes. « Evidemment, nous avons des sauces soja, du piment et de la coriandre… mais tous ces ingrédients sont avant tout très cuisinés : les sauces sont travaillées, il y a des marinades et une fraîcheur qui font toute la beauté de cette cuisine », témoigne Taku Sekine (Dersou, 11e).

Des produits sourcés et de qualité

Les nouveaux délices d'Asie
les raviolis en bouillon chez Double Dragon, par Tatiana Levha

Des restaurants « à thème » ont récemment fleuri, braquant le projecteur sur différentes spécialités : les ramen chinois, les phô vietnamiens, les onigiris et autres bao ou bimbimbap. Mais ce sont les chefs de la bistronomie parisienne qui prennent aujourd’hui les baguettes. Taku Sekine ouvrira « Cheval d’Or » fin décembre, une « cantine asiatique populaire et de qualité » inspirée de ses origines (japonaises) et de ses voyages. « Je ne chercherai pas à reproduire absolument un plat typique car tous les produits d’ici ne s’associent pas, explique-t-il. A l’inverse, il faut utiliser les meilleurs produits locaux et twister les recettes. Les bouillons asiatiques me tiennent à cœur : leur profondeur est sans pareille, bien plus complexe que l’ajout d’un bout de gingembre et de citronnelle. » Au menu, il annonce des légumes vapeur à l’aïoli noir, du poulet au soja de Fleur Godart, un Menchi-Katsu d’agneau de Guillaume Verdin… Des produits sourcés et de qualité, une pratique nouvelle pour une cantine asiatique…

Les nouveaux délices d'Asie
Huitres au citron, coriandre et gingembre / Bouillon aux moules et coques, au Café Panache

Pour ces cuisiniers parfois élevés dans une double culture, réhabiliter cette cuisine consiste souvent à réveiller leurs souvenirs d’enfance. « Nous avons grandi en Asie, à Bangkok, à Hong-Kong ou à Manille… Depuis longtemps, nous voulions cuisiner des plats que nous mangions petites, racontent les sœurs Tatiana et Katia Levha, déjà aux manettes du Servan, qui viennent d’ouvrir Double Dragon (11e). C’était important pour nous de faire des clins d’oeil au fameux porc au caramel qu’on a tous mangé, étudiants, chez les traiteurs. Nous proposons une joue de porc confite sans glutamate mais avec du vrai caramel, des vrais poivres, du nuoc-mâm… C’est un plat typique dans toute l’Asie, qui est très savoureux, en fait! » Chez Double Dragon (une référence au jeu vidéo de leur adolescence), elles font tout sur place (pâtes de curry…). On redécouvre la finesse et le piment, le sucré-salé et le légume ainsi que d’heureuses associations franco-asiatiques : un mariage fou entre du cochon et du tourteau dans des raviolis et un excellent bouillon pimenté ; un audacieux tofu farci au comté, sauce XO ; un poulet jaune façon aigre-douce bien relevé…

Sushis et carpaccios arrosés de superbes cocktails

Les nouveaux délices d'Asie
Boeuf wagyu à la truffe et carpaccio de Saint-Jacques au sésame

On peut vibrer pour la nourriture asiatique sans pour autant en avoir les origines. Loin de ses aventures cathodiques, Cyril Lignac est un chef passionné de cuisine japonaise. Au Bar des Prés, où plane encore l’ombre des fêtes germanopratines (et le papier peint d’origine!), il a créé un restaurant décomplexé, célébrant le goût, sans la flamme. Dans une ambiance cosy-festive, le chef et ses acolytes japonais jouent une cuisine crue et à partager, allient de beaux sushis faits dans les règles de l’art (Saumon Label Rouge/avocat/japaleno/Sriracha) à des sauces et des carpaccios vifs (de Wagyu à la truffe noire et au wasabi), des Saint-jacques justement habillés (au miso, avocat, sésame et citron vert), le tout arrosé de superbes cocktails quasi-cuisinés : « La carte associe la tradition japonaise à mes assaisonnements, explique-t-il. Je me suis découvert une passion pour le sushi et pour cette cuisine crue dans laquelle chaque détail est exacerbé, qui demande une découpe précise et un assaisonnement juste. Enfin, sa légèreté fait aussi du bien à notre santé. » Pour que le glutamate ne soit plus qu’un souvenir des années 1990.

Charlotte Langrand

 

 

Adresses:

Double Dragon, 52, rue Saint-Maur, Paris 11e.

Bar des Prés, 25 rue du Dragon, Paris 6e.

Cheval d’Or, ouverture début février dans le 11e arrondissement de Paris.

Charlotte Langrand

Journaliste au Journal du Dimanche (JDD) rubriques Gastronomie-Cuisine, santé-bien-être

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