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Le retour des grandes brasseries

Les tenants des plats traditionnels et du service à l’ancienne repartent à la conquête des gourmets... gourmands

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C’était l’époque des serveurs en veston et en nœud papillon. Des nappes blanches et des soles meunières levées en un clin d’oeil. C’était le siècle des grandes brasseries, ouvertes début 1900 et vibrantes dans les Paris des Années Folles. On s’y attablait à toute heure, pour le café-journaux du matin, les œufs mimosas d’après-spectacle, le croque-monsieur d’un déjeuner sur le pouce, le tartare coupé au couteau, la blanquette réconfortante, le petit digestif offert par le patron, qui savait vous traiter comme un habitué de toujours.

Leur superbe s’était étiolée

Au fil du temps, leur superbe s’est étiolée comme leurs banquettes en skaï rouge. Déjà touchées par la baisse touristique après les attentats, elles ont été ringardisées par les adresses de chefs tatoués et snobées par les clients-hipsters. Dans leurs habits Arts-Déco, elles paraissaient vieillottes à côté du design léché des nouveaux bistrots d’auteurs. « Les brasseries se sont faites attaquer de toutes parts, estime Alexandre Cammas, fondateur du guide Fooding. Sur le plan culinaire, par les bons bistrots de chefs et sur le plan de l’ambiance, par les nouvelles adresses branchées. A force, certains plats typiques ont été désertés, la cuisine est devenue mauvaise. » Oubliées, les vraies crèmes renversées au profit de la très galvaudée panacotta aux fruits rouges. Les salades césar ont pris du galon, faute de salade niçoise digne de ce nom et le steak au poivre faisait grise mine…

Le retor des grandes brasseries
les cailles rôties aux raisins chez Astair

 

Heureusement, les profiteroles reviennent à la mode. Et le marché parisien, saturé de « bistrots d’auteurs », s’est cherché une nouvelle marotte et des chefs nostalgiques se sont penchent sur ce genre en souffrance. Les premiers, Eric Fréchon avec la Brasserie Lazare (gare Saint-Lazare) puis Alain Ducasse avec Champeaux (aux Halles), ont réhabilité la sardine au beurre et la saucisse-purée. Le Groupe Bertrand a entrepris de redonner du lustre aux grandes brasseries traditionnelles comme Lipp, L’Alsace ou la Lorraine. Côté Grandes Brasseries mythiques, le quartier historique de Montparnasse restaure ses pépites endormies: le Dôme s’est offert les services du chef japonais Yoshihiko Miura (Bernard Loiseau, Marc Meneau) et la mythique Coupole, ses 500 couverts et son dancing, s’est payée pour ses 90 ans (en décembre) une rénovation de ses mosaïques Art déco et un banc d’écailler. Le fameux Train Bleu de la Gare de Lyon est désormais sous la houlette de la famille Rostang et recevra le gratin gastronomique parisien pour la remise des Prix du Fooding en novembre.

Des brasseries plus modernes à côté des historiques

Des brasseries plus modernes voient aussi le jour. Des duos de jeunes restaurateurs-entrepreneurs comme Alexandre Giesbert et Julien Ross (Zebra) ou Gilles Malafosse et de Laurent Gourcuff (Girafe) ont investi le genre à leur façon. Ils jouent la carte du vintage-design dans les beaux quartiers (16e). Les gastro-chefs s’y collent aussi, en version très luxe avec Jean-François Piège à la Poule au Pot (Les Halles) ou très généreuse avec Joia d’Hélène Darroze (paris 2e). On s’attable aussi avec plaisir chez Daniel Rose à La Bourse ou la Vie (2e), au Vin des Pyrénées (4e), Thoumieux (7e), à l’Entente (2e), au Cadoret (19e), à la Brasserie d’Auteuil (16e)… On voit même ressurgir les bancs d’écaillers et les Bouillons, ces brasseries aux prix minuscules, qui avaient presque disparu. Il ressuscite à Pigalle avec les frères Moussié: 300 couverts pour une cuisine bourgeoise qui n’assèche pas le portefeuille. Devant, les Parisiens font la queue. Le veston et le nœud pap’ pourraient bien revenir à la mode.

Charlotte Langrand

Adresses

 

Zebra

Le retour des grandes brasseries
les œufs mayonnaises, chez Zebra

On croise déjà du beau monde, chez Alexandre Giesbert et Julien Ross. Des journalistes de la Maison Ronde voisine, un consul fraîchement nommé, une chanteuse en vogue… Tous sont venus jauger ces plats de brasserie classique, dans un décor léché, haut sous plafond, sol en rayons argentés et tables en marbre. Les assiettes filent la simplicité traditionnelle: saucisse purée, œufs mimosas, thon cru sauce à l’oseille, mousse au chocolat… Elles osent parfois un léger pas de côté (poutargue râpée sur l’œuf ; chips d’artichaut avec le thon), en attendant l’écailler et la rôtisserie annoncés au dîner. Pour voir, être vu et renouer avec la saucisse-purée.

3, place Clément Ader, 16e. Menus de 23€ à 26€. Carte : 45-70€.  www.zebra.paris

 

Le Petit Sommelier

Le retour des grandes brasseries
La belle sélection de vins du Petit Sommelier

A côté de la gare Montparnasse, parions que les voyageurs s’attablent ici sans connaître. Les habitués, eux, savent: voici un restaurant à deux cartes, pour satisfaire tout le monde. Pari risqué. Mais le propriétaire Pierre Vila Palleja, également sommelier (Ritz, Crillon, Lasserre), a déjoué le piège de l’éparpillement, en s’allouant les talents du chef Nicolas Bouillier (George V, Fables de la Fontaine) et de bons fournisseurs (Metzger, Poujauran, Madec…). Côté brasserie, bœuf bourguignon, tartares, œuf mayo, huitres… et côté gastronomique, millefeuille d’anguille fumée, foie gras, pomme granny et raifort ; poulpe à la grecque ; joue de bœuf braisée, boudin noir; mousse au chocolat en saladier… Le tout arrosé de vins soigneusement sélectionnés, à des prix défiants toute concurrence.

49, avenue du Maine, 14e. Menu entrée-plat-dessert : 37€, accord trois verres de vin : 20€. Carte : 30-60€.  www.lepetitsommelier-paris.fr

Astair

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Les pâtes à l’encre de seiche chez Astair

Avis à la population ! le chef Gilles Goujon est dans la Capitale. Dans une ambiance rétro avec un bar circulaire en ferronnerie, cette brasserie chic joue la cuisine bourgeoise et réconfortante, à l’image du chef trois étoiles de l’Aude. En fonction de l’humeur et de l’appétit, on préférera la carte classique (huitres, escargots, os à moelle, foie de veau…) ou le « menu de Gilles », généreux et partageur : divin œuf parfait de poule fermière avec champignons et brioche maison ; pâtes à l’encre de sèche, fondantes cailles rôties aux raisins, figues et garniture grand-mère ; démente tarte aux figues, flan… La cheffe, Nastasia Lyard, aux fourneaux toute l’année, a déjà une belle partition à jouer.

19, passage des Panoramas, 2e. Menus déjeuner : 25€ ou 30€, plat seul : 18€. Carte : 45-65€.  www.astair.paris

 

Joia

Le retour des grandes brasseries
La spécialité de moules chez Joià

Pendant que son restaurant gastronomique se refait une beauté rue d’Assas, la chef étoilée Hélène Darroze a largement de quoi régaler ses adeptes, avec Joia (Joie en occitan). Carte réconfortante de plats de grand-mère, inspirée entre autres de son pays basque natal. Un semainier pour le déjeuner annonce tomates farcies, œufs mimosas, moules de bouchot/xistora, riz au lait… Le gâteau de crêpes au thé vert matcha, beau et bon, est déjà un must. Une adresse généreuse, bientôt ouverte du petit-déjeuner au dîner.

39, rue des Jeuneurs, 2e. Menus déjeuner : 24 ou 29€. Carte : 37€-54€. www.joiahelenedarroze.com

 

La Coupole

Pour sa première inauguration en 1927, 1000 litres de champagne avaient été servis au Tout-Paris, venu adouber ce haut lieu de la fête parisienne. Mercredi dernier, la deuxième soirée inaugurale a aussi vu le champagne couler à flot et des spectacles de claquette des Années Folles. On fêtait son nouveau look, sa nouvelle terrasse et la nouvelle carte de Marc-Henry Vergé, chef exécutif du groupe Bertrand: recentrée sur les essentiels de la brasserie pour privilégier la qualité à l’opulence, elle envoie choucroutes, pieds de cochon, steaks au poivre ou soles meunières et affiche un banc d’écailler flambant neuf.

102, boulevard du Montparnasse 14e. Menus 19,50 ou 55€. Plateaux de 29 à 49€. www.lacoupole-paris.com

Charlotte Langrand

Journaliste au Journal du Dimanche (JDD) rubriques Gastronomie-Cuisine, santé-bien-être

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