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La courge aux trésors

Cucurbitacées - De l'entrée au dessert, le potimarron égaie l'hiver avec son goût de châtaigne et sa couleur orange vif

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Pauvre courge ! Pour sacrifier aux rites d’une fête celtique devenue américaine et commerciale (Halloween), la citrouille n’est devenue bonne qu’à effrayer les enfants. Une bouche tordue découpée dans la peau et une bougie dans le ventre, l’image grimaçante donnée à cette cucurbitacée est loin de faire honneur à sa chair crémeuse et sucrée. Est-ce ainsi qu’on remercie le potimarron, et sa belle couleur orange, de bien vouloir réchauffer l’automne, envahi par des légumes-racines plutôt pâlots ?

La courge, un globe-trotter d’origine amérindienne

Le potimarron est davantage un voyageur qu’un monstre : il a parcouru le monde avant d’atterrir sur les marchés français. D’origine amérindienne, il est issu d’une variété de potiron (Cucurbita maxima) reconnaissable à sa forme de toupie et à sa couleur orange. Exporté par des Portugais au XVIe, il s’installe au Japon et ne débarque en France que dans les années 1960, en pleine vague yéyé. Philippe Desbrosses, un ancien chanteur reconverti dans l’agriculture bio, en fait alors le symbole de son combat pour la sauvegarde des semences rustiques : il en développe la culture et, pour le protéger des multinationales avides de légumes frais, dépose ce drôle de nom de potimarron.

La cuisiner en gâteau ou en houmous

Le patronyme de cette courge fleure bon le sous-bois automnal et évoque ses jolies notes de noisette et de châtaigne. « Son goût est vraiment à part, avec ce petit côté musqué très agréable, estime le chef biterrois Pierre Augé (La Maison de Petit Pierre). C’est un vrai produit d’intersaison, sa douceur accompagne l’entrée dans l’automne. » Ses différentes variétés (Red Kuri, Uchikkuri, Green Hokkaïdo, etc.), à la fois sucrées et pleines de caractère, font de lui le favori de la grande famille des courges, loin devant le potiron, joli mais plus fade, ou la butternut, au goût savoureux de beurre noisette mais moins colorée.

Chaque pays l’accommode selon ses goûts

la courge aux trésorsCe globe-trotteur facile à vivre a séduit de nombreuses cultures grâce à ses modes de cuisson adaptables: « Chaque pays a sa façon de le cuisiner, constate Sébastien Monceaux, chef des cuisines chez Fauchon. Au Moyen-Orient, on l’aime rôti, dans les tajines et les couscous ; au Japon, on en fait de fines tagliatelles juste braisées au wok, et aux États-Unis, on le prépare souvent en purée ou en soupe. » En France, les chefs apprécient de garder sa chair intacte, en cubes.

L’étoilé Michel Bras l’a même intégré à un gâteau au chocolat. Yoni Saada en fait un houmous. Sébastien Monceaux en a exploré toutes les recettes : à la carte du nouvel hôtel Fauchon à Paris, il le propose en brunoise avec des noix de Saint-Jacques, des éclats de châtaignes, un bouillon de barbes au pain brûlé et des graines de sarrasin torréfiées ou en accompagnement d’un agneau confit. Au rayon traiteur, on l’emporte en verrines, sous la forme d’une mousseline au lait de coco et coriandre, avec un œuf mollet ou du saumon fumé… « Le potimarron accompagne le bœuf à la place des carottes, poursuit Sébastien Monceaux. Il est aussi excellent en purée avec de la crème, en velouté avec de l’huile de noisette ou même cuisiné comme un carrot cake. Ses saveurs nous transportent directement un dimanche soir devant un feu de cheminée. »

Un légume rassasiant et peu calorique

Mieux vaut le choisir bio, puisque sa peau est comestible et glisse toute seule après cuisson. « Pour concentrer toutes les saveurs, il faut le cuire au four, avance Clément Flumian, chef de Papa Sapiens à Paris. Coupé dans la hauteur, en forme de cédille, avec juste un filet d’huile d’olive, il caramélise et c’est magique ! » Il aime aussi le farcir avec un mélange de riz rouge de Camargue, du fenouil, du chou rave, des poireaux, du parmesan…
Rassasiant et peu calorique, le potimarron est un plat à part entière et un allié contre les maux de l’hiver. Gorgé de vitamine C (tonifiante), de magnésium (antifatigue), de phosphore (source de fer), il requinque les énergies en baisse. Bourré d’acides aminés dynamisants, il chasse les coups de déprime en détendant le système nerveux et en renforçant le système immunitaire. La précieuse cucurbitacée a aussi une botte secrète et sucrée. Comme les concombres, elle a des graines et est donc un fruit. Elle se fond parfaitement dans la fin du repas : chez Papa Sapiens, on la laisse confire dans du thé rooibos avec du sucre et de l’eau, à douce ébullition, avant de la servir recouvert de fromage blanc. Pas si bête, la courge…
Charlotte Langrand


La recette de Pierre Augé*

Saint-Jacques poêlées et potimarron confit, clémentines et café

 

Ingrédients (pour 4 personnes)

12 noix de Saint-Jacques 200g de potimarron 1 clémentine corse
50 g de café moulu type arabica Une branche de thym Les graines du potimarron
4 petits bouquets de mâche 50 ml d’huile d’olive Fleur de sel et piment d’Espelette

 

Recette

Éplucher et tailler le potimarron en petits dés. Le faire revenir à l’huile d’olive, sans coloration. Mouiller avec 50 ml d’eau, ajouter le thym. Cuire 3 minutes à feu vif.

Faire torréfier dans une casserole le café moulu, seul, 1 minute à feu doux en remuant. Rajouter l’huile d’olive et
cuire 3 min. Passer ensuite au chinois pour séparer le café de l’huile.

Poêler les noix de Saint-Jacques une minute de chaque côté à l’huile d’olive.

Dresser dans une assiette creuse les dés de potimarron, trois noix de Saint-Jacques et l’huile de café. Parsemez
avec l’écorce râpée de clémentine, les graines et la mâche assaisonnée.

*Chef de La Maison de Petit Pierre à Béziers

 

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Charlotte Langrand

Journaliste au Journal du Dimanche (JDD) rubriques Gastronomie-Cuisine, santé-bien-être

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