Les macarons peuvent bien s’inquiéter. Ils régnaient depuis longtemps sur la catégorie des petites bouchées sucrées, quand des concurrents sérieux sont venus leur faire de l’ombre : les choux à la crème. Serait-ce parce que les temps sont durs et que les becs sucrés ont besoin d’un réconfort encore plus régressif ? Le chou a de beaux arguments : plus dodu que le macaron, il promet de déborder de crème quand on mordra dedans. Bref, il a beau être petit par la taille, il est grand par la gourmandise.
Des choux partout, dans toutes les vitrines
Bien qu’il ne soit pas né d’hier, il a aujourd’hui droit aux faveurs des pâtissiers et aux yeux doux des gourmands. Chez Douze, nouveau « food-court-épicerie-garde-manger » bien sourcée dans le 12e à Paris, les stocks de choux de la pâtisserie Léonie sont dévalisés dès le début de la matinée. Cet hiver, les spécimens à la crème parfumée à la flouve, cette plante odorante qui donne son agréable odeur au blé, a tout de suite fait la réputation de la nouvelle pâtisserie Tapisserie du chef de chez Septime, Bertrand Grébaut (rue de Charonne à Paris, 11e).
Mi-mars, le pâtissier Benoît Castel s’est même lancé dans un défilé de mode sucré : le « catwalk » de choux à la crème, intitulé « fashion choux », a vu défiler tous les styles : classique (chocolat, chantilly, vanille, noisette, café…), fruité (pistache-clémentine de Corse, chantilly-fraise…) ou atypique (au sarrasin…). La boulangerie n’est pas en reste : les chouquettes, ce petit plaisir du goûter et de sortie d’école, profitent de cet engouement sucré. Eric Kayser, mi-mars, a posté sur sa chaîne Youtube la recette de ses chouquettes moelleuses et bien bombées, avec sa pâte à choux classique et son sucre en gros grains.
Chouquettes, Saint-Honoré, à la crème…
Déjà virtuose dans l’art du Saint-Honoré -ce gâteau à la crème et à la chantilly surplombée d’une couronne de choux caramélisés- le maestro Philippe Conticini domine l’exercice, avec son nouveau « bar à chouquettes » inauguré dans sa boutique du 3e arrondissement de la capitale. Un plaisir pour le public et pour lui : « Depuis 25 ans, à la fin des dîners entre amis ou en famille, je sert des chouquettes à la crème, explique le chef pâtissier des « gâteaux d’émotions ». C’est mon gâteau préféré, avec le millefeuille et la crème caramel ! »
Luxe ultime : des bouchées fraîches, montées à la minute
Chaque vendredis et samedis, il réinvente donc le chou de luxe : il est monté à la minute et haute-couture, c’est-à-dire sur-mesure, selon le goût de chacun. On choisit d’abord le parfum de la crème pâtissière (café, chocolat, citron, agrumes ou vanille) et ensuite son insert gourmand (praliné, caramel, de la pâte de spéculoos, et des confits de citron ou d’agrumes…) Enfin, le tout est saupoudré à 60% d’un mélange d’amandes/noisettes caramélisées, à 30% de sucre en grains et à 10% de cassonade. « C’est une texture particulière, lunaire et martienne, il ne faut pas que ça craque ni que ça croustille mais que ça « cracouille »! C’est une sensation très particulière !, sourit le chef. Et il faut les manger tant qu’elles sont fraîches. » Et ça marche : le bar à chouquettes vend près de 300 spécimen le vendredi et 400 le samedi.
Une recette pâtissière ancienne
La pâte à choux savoure donc sa deuxième vie. Son origine est incertaine et remonte au XVIe siècle. On attribue sa paternité à Popelini, le pâtissier attitré de la reine Catherine de Médicis, qui préparait déjà un gâteau avec une base de pâte desséchée au coin du feu. Deux siècles plus tard, le pâtissier de Talleyrand, Jean Avice, puis Antonin Carême perfectionnent la recette. Elle prendra alors le nom définitif de « pâtes à choux ». Supprimez cette pâte et c’est tout la pâtisserie qui est dépeuplée… Elle a donné naissance à un nombre impressionnant de grands classiques : éclairs, religieuses, chouquettes, Carolines (une sorte d’éclair miniature), Paris-Brest, Saint-Honoré, puits d’amours et même, en version salée, les gougères. Sans parler des fameuses « pièces montées » traditionnelles, qui couronnent les mariages !
Supprimez la pâte à choux et c’est toute la pâtisserie qui est dépeuplée
Les premières boutiques monothématiques, apparues au milieu des années 2010, comme Popelini ou La Maison du Chou, avaient ouvert la voie. Ludique, le chou se dévore aujourd’hui en petites bouchées uniques, qui tapent dans le mille du réconfort. On les retrouve chez tous les pâtissiers de France. La maison Meert à Lille propose un Saint-Honoré à la vanille en version individuelle ou un chou au praliné façon Paris-Brest. En Alsace, les chefs pâtissiers Christophe Felder et Camille Lesecq ont même décidé de réhabiliter les « croquembouches », cette montagne de choux appelée « pièce montée », servie d’habitude pour les mariages.
Charlotte Langrand
Recette pâte à choux
Ingrédients
- 140 g de farine
- 5 oeufs
- 115 g de beurre
- 12,5 cl d’eau
- 12,5 cl de lait
- 1 cc de sel
- 1 cc de sucre semoule
Préparation :
- Dans une casserole, faire chauffer l’eau, le lait, le sucre et le beurre.
- Quand le beurre est fondu, mettre la casserole hors du feu et ajouter la farine. Remuer avec une spatule en bois jusqu’à obtenir une pâte lisse.
- Remettre la casserole sur le feu pour la dessécher, en mélangeant bien. Elle doit se détacher des parois et former une boule élastique.
- Transférer la pâte dans un saladier et ajouter les oeufs les uns après les autres. Et mélangez jusqu’à ce que la pâte forme un ruban souple.
- Former des choux sur une plaque de cuisson légèrement beurrée avec une cuillère ou une poche à douille.
- Enfourner 20mn à 180 degrés. Surtout pas ouvrir la porte du four pendant la cuisson, sinon les choux s’affaisseront.
- Laisser refroidir sur une grille.
