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Dans les assiettes de Bangkok

La bouillonnante capitale thaïlandaise foisonne de stands de cuisine de rue ainsi que de restaurants étoilés

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A n’importe quelle heure du jour et de la nuit, ils vous saisissent les narines. Les parfums de soupe de poulet au lait de coco, de poisson séché ou de curry vert, les odeurs de crevettes sautées et de dim sum vapeur, la fraîcheur des mangues, les piments francs et les innombrables herbes… La cuisine thaï est l’une des plus savoureuses et la plus intéressante d’Asie, pour son raffinement et la diversité de ses produits. Avec toujours en ligne de mire le Sanuk, le «plaisir» de manger, les Thaïlandais s’adonnent au «kin (manger) len (se promener)», cette flânerie réjouissante qui veut dire «grignotage».

Dans les assiettes de Bangkok
Le Pad Thaï, plat typique en Thaïlande

Les thaïlandais mangent à toute heure du jour et de la nuit

Ici, pas de repas à heure fixe, trois fois par jour. Les Thaïlandais honorent leur cuisine quand bon leur semble. «On a l’impression qu’ils mangent tout le temps, témoigne Anne Coppin, auteur du livre Food Trotter(éditions Umai, 12€). Le repas est réparti sur toute la journée. Comme les Thaïlandais travaillent beaucoup, il mangent souvent à l’extérieur: il est culturellement accepté qu’une mère de famille aille chercher des plats sur les stands de cuisine de rue plutôt que de cuisiner elle-même.» Ainsi, à Bangkok, cette gigantesque mégapole de 19 millions d’habitants, chaque quartier compte plusieurs marchés, lieux de vie incontournables. On en trouve de toutes sortes, de toutes tailles, de jour comme de nuit… Les marmites chauffent 24 heures sur 24, dans les allées encombrées de scooters et de piétons. Il existe des marchés alimentaires pour faire les courses et des «Food market», de grands espaces couverts regroupant des stands de cuisine de rue: salade de papaye fraîche à l’assaisonnement vif (citronnelle, piment thaï, citron vert), soupe poulet-coco douce et généreuse, currys, padthaï…

Dans les assiettes de Bangkok
Dans un des nombreux Food Market de la ville

Si la journée commence souvent par du salé (au petit-déjeuner, les dim-sum, ces raviolis vapeur, sont une belle surprise), les Thaïlandais ont aussi un culte du sucré, qu’on ne retrouve pas dans les autres pays d’Asie. Les desserts sont des déclinaisons infinies de noix de coco sous toutes ses formes (lait, pulpe, crème…) assortie de sucre de palme, de farine de riz ou d’œuf. L’incontournable «riz gluant à la mangue» est un spécimen hautement addictif de ces douceurs sucrées.

Le Guide Michelin s’invite dans la street-food de Bangkok

Les Bangkokiens ne sont pas les seuls à apprécier leur cuisine. L’hiver dernier, le Guide Michelin s’est invité dans le jeu culinaire local, en distribuant ses Etoiles, Bib Gourmands et Assiettes. S’il aurait pu tester la nourriture des montagnes du Nord faite de produits fermentés, celle du Sud, aux influences indiennes et tropicales ou celle de l’Est, basée sur le riz gluant, le Bibendum s’est concentré sur celle de Bangkok, typique de la «cuisine royale»: «La gastronomie a toujours été très importante pour la royauté, poursuit Anne Coppin. Le roi Rama 9 a même décidé de rendre publiques toutes les recettes de la Cour pour que le peuple s’en empare, ce qui a apporté un raffinement à la cuisine thaï en général.» La monarchie a érigé la nourriture au rang d’art, les cuisiniers réalisant de véritables sculptures de fruits et de légumes, agréable aux yeux et au ventre. Aujourd’hui encore, la présentation est soignée, même pour la «street food», souvent servie sur de jolies feuilles de bananiers.

Dans les assiettes de Bangkok
Arnaud Dunand Sauthier, chef au Mandarin Oriental de Bangkok

Trois “Deux étoiles” et treize “une étoile”

Parmi les élus du Guide, on trouve trois restaurants Deux étoiles et treize Une étoile. Le trio de tête récompense Gaggan, un restaurant de cuisine indienne, Mezzaluna, une adresse japonaise et enfin Le Normandie, le restaurant gastronomique français de l’hôtel Mandarin Oriental. Véritable institution de la ville, il est connu dans toute l’Asie depuis 1978. Depuis son immense baie vitrée surplombant le fleuve Chao Phraya, la salle du restaurant est un écrin luxueux pour la partition du chef Arnaud Dunand Sauthier, arrivé aux fourneaux il y a six ans. «Au départ, j’ai fait une cuisine classique, le temps de former l’équipe de jeunes que j’avais recrutée, explique-t-il. Aujourd’hui, nous sommes passés à une cuisine identitaire basée sur les herbes de montagne, l’amertume et le produit. Je suis très fier d’avoir décroché deux étoiles avec une équipe 100% thaïlandaise.»

Bistronomie sans frontières

De la Savoie à Bangkok, le chef prône une cuisine française de saison et de produits, qu’il source lui-même en France et fait venir jusqu’à lui. En plein Bangkok, on déguste les asperges de Sylvain Erhardt avec de l’anis vert et l’huile d’olive truffée de Xavier Lazare. Sur le plateau de fromage, du Beaufort, du Bleu de Bonneval et un Persillé de Tignes. Un fera du lac léman répond présent, tout comme un pigeon de Pornic. Seul l’oursin du plat signature vient du Japon (Hokkaido) pour se marier au caviar, à une mousse de pomme de terre et une sauce au champagne… «Le Normandie doit être l’ambassade gastronomique de la France, précise le chef. J’ai donc interdit le «sharing», sinon les thaïlandais poseraient les plats au centre de la table pour les partager, comme ils en ont l’habitude.»

La tendance de la bistronomie et de la cuisine d’auteur a franchi les frontières. Entre la cuisine de rue et les restaurants de luxe, on trouve désormais à Bangkok des adresses de cuisine thaï moderne, revisitée par de jeunes chefs souvent formés à l’étranger, dans une ambiance design. C’est le cas chez Err (Un Bib Gourmand pour ses plats traditionnels) ou chez Soul Food Mahanakorn (bistrot de plats thaï, Un Bib gourmand).

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Thitid Tassanakajohn, chef du restaurant Le Du

L’arrivée du Guide Michelin change la donne

«Quand j’ai ouvert il y a quatre ans, ce genre d’endroits n’existait pas, maintenant nous sommes nombreux», constate Thitid Tassanakajohn, le chef du restaurant Le Du, qui a reçu une Assiette Michelin. Formé à New-York chez des grands chefs, au Eleven Madison Park ou chez le français Jean-Georges Vongerichten, le chef de 33 ans est revenu dans sa ville natale pour y développer une néo-cuisine thaï: «Je voulais des produits locaux et de saison pour que les thaïs arrêtent d’utiliser des denrées importées, poursuit-il. Toutes les grandes gastronomies mondiales ont su évoluer. La nôtre est figée dans le temps et n’est servie que de façon traditionnelle… Je voulais l’emmener ailleurs.»

Crevettes à la glace au jasmin; joue de porc grillée au charbon et potiron; gâteau aux œufs de canard, graines de lotus et glace à l’échalote… La carte, inventive et savoureuse, est un savant mélange entre recettes anciennes, produits choisis et textures nouvelles: «J’utilise beaucoup de techniques françaises, des jus, des extraits, des réductions…, poursuit le chef. Mes plats ont ainsi un goût thaïlandais moderne et une texture bien meilleure.» En plein Bangkok, Thitid rêve du même graal que ses confrères parisiens: décrocher l’étoile. Il pense que l’arrivée du Michelin est une chance et une émulation positive pour le secteur. Pourtant, certains restaurants de rue élus par le Guide, ont dû apprendre à s’adapter à leur notoriété soudaine. Jay Faï, 72 ans, vendeuse de rue d’omelettes et currys au crabe, a vu son petit stand débordé par l’afflux de nouveaux clients. Elle a demandé à rendre son étoile.

Charlotte Langrand

«Food Tour» à Bangkok

Dans les assiettes de Bangkok
Mango Sticky Rice, dessert populaire et addictif

Découvrir un pays par sa cuisine est un bon prétexte à un voyage des sens. Effervescente et gourmande, Bangkok est une destination idéale pour s’y essayer. Entre une visite de temple et une croisière sur les canaux, Les Ateliers du Voyage (groupe Kuoni) proposent de suivre un cours à l’école de cuisine thaï du Mandarin Oriental, de flâner au marché de Wang Lang, de manger dans un restaurant étoilé ou sur un stand de street food…

City Break de 5 jours/3 nuits à partir de 1693€/personne (vols directs, transferts privatifs, avec guide francophone, 3 nuits au Mandarin Oriental en chambre supérieure avec petits déjeuners.

www.ateliersduvoyage.com

www.mandarinoriental.fr/bangkok/chao-phraya-river/luxury-hotel

Charlotte Langrand

Journaliste au Journal du Dimanche (JDD) rubriques Gastronomie-Cuisine, santé-bien-être

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