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Saintes noix

C’est actuellement la pleine saison des Saint-Jacques. Le mollusque star à la chair d’exception se cuisine sur tous les tons mais avec délicatesse

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C’est une telle passion qu’on l’appelle par son nom composé : la Saint-Jacques. Cette aristocrate des fruits de mer protège comme une perle sa fragile noix à la chair nacrée, qui tourne à l’ivoire sous la chaleur du fourneau. Les Français en sont fous : ils sont les premiers mangeurs de coquilles au monde et pour cause : notre pêche a la réputation d’être la meilleure.

Débarquée vivante et vendue dans sa coquille

Cette marée miraculeuse est menée par une flotte de « coquillards », ces bateaux de 12 mètres qui lui sont consacrés et qui la défendent bec et ongles contre les appétits britanniques. Les Anglais débarquent sur nos côtes pour racler les fonds avec leurs vaisseaux de 30 mètres… Une bataille inégale qui fait jaillir les noms d’oiseaux entre marins des deux rives : « Ils nous pillent, estime Dimitri Rogoff, président du comité régional des pêches de Normandie. On voit que la France est un pays gastronomique à la façon dont elle traite ses coquillages. Les pectinidés d’importation, des États-Unis ou d’Angleterre, sont sans coquille et transformés pour être conservés en boîte. » Qu’on se le dise, la vraie saint-jacques est débarquée entière et vivante des bateaux, et le poissonnier a obligation de la vendre avec sa coquille. Un label a même été créé en 1996 pour remettre à leur place les pétoncles, ces Chlamys varia qui se prennent pour des saint-jacques.

« Ce produit est tellement génial en lui- même qu’il faut à peine le transformer », Tomy Gousset, chef cuisinier

La Pecten maximus (son nom scientifique) apparaît tout au long des chemins qui mènent à Saint-Jacques de Compostelle, de la Norvège à l’Espagne en passant par les côtes anglaises et françaises. Le coquillage était l’emblème du pèlerinage et attestait le chemin parcouru par le marcheur, il a donc fini par adopter le nom au lieu de son appellation latine. Aujourd’hui, le somptueux mollusque nous arrive des côtes bretonnes et normandes d’octobre à avril : « La qualité des noix en baie de Seine est due à ses alluvions, qui présentent un développement planctonique élevé, riche en oligo- éléments et en minéraux, poursuit Dimitri Rogoff. La saint-jacques se nourrit de ces micro-algues et arrive à sa taille de maturation en deux ans, contre trois ans en Bretagne. » Elles offrent ainsi la splendeur de leur chair, pourvu qu’on les achète en dehors des fêtes de Noël, qui la sanctuarisent en produit de luxe.

En cuisine, maîtriser son geste

Ensuite, il faut la maîtrise du geste : celui de l’ouverture, pour couper le muscle du coquillage, puis pour séparer le foie (à jeter) des barbes et de la noix ; celui de la toilette, à grande eau pour évacuer la vase et le sable charriés par la saint-jacques, qui n’est pas étanche, contrairement à l’huître. Tout dépend ensuite de la délicatesse du maître des fourneaux. « Avec la saint-jacques, on voit la personnalité du cuisinier, estime Cyril Lignac, chef du Bar des prés et du Quinzième, à Paris. On peut en faire un produit de luxe, avec du caviar ou de la truffe, un plat plus doux et élégant avec des agrumes, ou lui laisser sa simplicité, avec du beurre, à la poêle. »

Il y a quelques générations encore, les noix farcies, gratinées et noyées de crème nourrissaient les ventres. Le cuisinier du nouveau millénaire se fait plus doux, l’accompagnant d’une huile d’olive de qualité, d’un agrume frais et acidulé, d’un chou-fleur domestiqué, quand il ne la sert pas carrément crue, en carpaccio ou en ceviche, pour laisser sa chair fondre en bouche. « Le respect du produit fait qu’on a la main moins lourde. Moi, je veux qu’elle bouge encore, qu’elle sente la mer, j’aime cette cuisine du vivant », s’enthousiasme Alexandre Couillon, chef étoilé de La Marine, à Noirmoutier, qui aime la rôtir sur le côté, pour en faire un tube croustillant, cru et chaud en son centre.

La Saint-Jacques ? « Aussi simple qu’un steak »

saintes noixIl l’accompagne de betterave rôtie, d’une émulsion de lait et de sauce au persil. Chez Tomy & Co, son bistrot gastro parisien, Tomy Gousset adore la chauffer doucement sous la salamandre ou la marier au foie gras et aux oursins, mais il s’incline souvent devant les désirs du client : « Ce produit est tellement génial en lui-même qu’il faut à peine le transformer, surtout quand 90 % des gens le réclament poêlé. »

Pour son plat signature au Plaza Athénée, Romain Meder l’accompagne de comté et d’un chou-fleur cuit en croûte briochée, contisé d’un confit aux barbes de saint-jacques marinées. Ses noix, en provenance de Chausey, dans la Manche, sont tout juste poêlées : « On retrouve ainsi ce goût délicat et sucré, sa texture filandreuse et croquante, explique-t-il. Les betteraves sont trop terreuses, les endives trop amères, il faut accorder les noix à des produits doux, de saison : choux-fleurs, topinambours ou salsifis. »

Parfois rustique, la saint-jacques aime aussi la terre. Thierry Breton, chef de Chez Michel et Chez Casimir, à Paris, la marie avec son terroir breton d’origine : « On la contrebalance avec le croquant d’une andouille de Guémené grillée et la douceur d’une purée au beurre d’algues. » Une simplicité qu’approuverait le pêcheur Dimitri Rogoff, qui s’énerve : « Les chefs cultivent l’idée qu’il faut la manier avec délicatesse alors que c’est aussi simple à faire qu’un steak ! » Moins de cérémonial et la saint-jacques restera conviviale.

Charlotte langrand


La recette facile de Saint-Jacques

La recette de Cyril Lignac*

Les saint-jacques aux agrumes

 

Ingrédients (pour 4 personnes)

16 saint-jacques, un trait d’huile d’olive, 100 g de beurre, sel fin et fleur de sel
1 litre de crème liquide entière, wasabi frais et fève tonka râpés, 1 cuillerée à soupe de brunoise de carottes cuites
1 zeste de citron vert, 1 zeste de clémentine corse, 1 cuillère à café de pain de mie frit, 1 cuillerée à soupe de brunoise d’endives
1 échalote émincée, 150 g de vin blanc sec, jus de 2 clémentines corses

 

Recette

Décoquillez les saint-jacques. Gardez les barbes et nettoyez-les sous l’eau froide. nettoyez les noix pareillement et rangez- les au frais sur un papier absorbant dans le même sens.

Dans une sauteuse, versez l’huile d’olive, ajoutez les barbes, laissez réduire l’eau naturelle puis ajoutez le beurre, caramé- lisez, ajoutez l’échalote émincée, laissez suer. déglacez au jus de clémentine, laissez réduire, déglacez de nouveau au vin blanc, réduisez de trois quarts. crémez, portez à ébullition, laissez cuire 20 min. à feu doux. Passez à la passette.

Assaisonnez de sel fin, de wasabi et de fève tonka. mixez.

Mélangez les carottes avec les endives en vinaigrette. Salez, zestez de citron vert et de clémentine.

Sortez les noix du frigo 15 min. avant de les cuire, salez, déposez-les côté tranche dans la poêle avec l’huile d’olive, caramélisez, ajoutez le beurre, arrosez, retournez et posez sur du papier absorbant. salez. Dans l’assiette, déposez les noix et par-dessus le condiment et le pain de mie, puis ajoutez la sauce chaude émulsionnée.

*Chef du Bar des Prés et du Chardenoux à Paris

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Charlotte Langrand

Journaliste au Journal du Dimanche (JDD) rubriques Gastronomie-Cuisine, santé-bien-être

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