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Cyril Lignac: “Je cuisine parce que ça me manque”

À l’arrêt depuis une semaine, le chef en profite pour tester de nouveaux plats chez lui

Connu du grand public pour ses ­participations aux émissions ­culinaires de M6 (Le Meilleur Pâtissier, Chef contre chef), Cyril Lignac est à la tête de quatre ­restaurants à Paris (Le Bar des Prés, Aux Prés, Dragon et Le Chardenoux). L’année dernière, le chef et pâtissier aveyronnais a fermé Le Quinzième, sa table ­étoilée, pour la transformer en une trattoria, Ischia, qui devait ouvrir au printemps.

Comment avez-vous géré l’annonce de la fermeture des restaurants samedi dernier ?

Je n’ai pas vu venir le coup, même si j’avais compris que l’épidémie était grave. Il n’y avait pas d’autres choix. C’est la santé de tout le monde qui prime, il ne faut pas plaisanter avec la maladie. On a donc fermé tous les restaurants samedi soir, puis mardi nos pâtisseries, que je pensais pourtant pouvoir laisser ouvertes. Mais mes collaborateurs étaient angoissés de devoir travailler et je ne pouvais pas prendre la responsabilité de les mettre en danger. Je les ai mis au chômage partiel. Nous avons partagé la marchandise entre nous. Je n’avais pas de gros stocks car je travaille avec des produits frais. Les travaux de mon futur restaurant Ischia sont aussi suspendus.

Êtes-vous inquiet, économiquement parlant ?

C’est terrible pour tout le secteur. Mais nous ne pouvons pas savoir ce qui va se passer. En tout cas, il faudra faire preuve de bienveillance les uns envers les autres, s’entraider pour que chacun puisse redémarrer correctement. Il n’y a pas que les chefs. Il y a aussi les bouchers, les poissonniers, les primeurs, les boulangers, tous les artisans. Nous sommes tous dans le même bateau. Il va falloir se serrer les coudes, faire travailler les commerçants, retrouver une vie de quartier. Mais en attendant, tout le monde doit rester à la maison et se protéger.

À quoi occupez-vous ce confinement ?

Je cuisine, parce que ça me manque ! Je fais des petites vidéos et des photos de mes plats pour les réseaux sociaux. Ce qui est bien, comme on a le temps, c’est de pouvoir retrouver le chemin de la cuisine et les plats familiaux. En temps normal, je comprends très bien que les gens soient stressés avec le travail, les enfants, les devoirs. Ils rentrent tard et cuisinent des choses rapides, comme des escalopes de poulet. Là, c’est bien d’en profiter pour redécouvrir des plats mijotés, faire des gratins dauphinois, des lasagnes avec sa propre bolognaise. La pâtisserie aussi : un cake marbré, des crêpes ou des pommes caramélisées façon tatin, avec un petit crumble par-dessus. Toujours en veillant à acheter des produits pas très chers et de saison.
C’est terrible pour tout le secteur. En tout cas, il faudra faire preuve de bienveillance les uns envers les autres, s’entraider pour que chacun puisse redémarrer
Cyril Lignac

Le manque d’exercice vous incite-t‑il à modifier votre alimentation ?

C’est vrai que je vais en profiter pour manger sain, bon et pas gras. Je vais me faire une cure de légumes. J’ai acheté des belles asperges que je vais cuire à l’eau et manger avec un filet d’huile d’olive et un peu de parmesan râpé dessus. J’aime la salade d’oranges le matin. Et puis des tartines à l’avocat écrasé, un bon velouté de ­potimarron, un petit chou farci à la viande. L’alimentation est notre santé et notre carburant : chacun doit faire attention à ce qu’il met dans son corps. Moi, je fais la cuisine avec des produits français, de saison, sans colorants ni ­conservateurs.

La table est-elle un moyen de recréer du lien dans les familles ?

Oui, le réconfort passe aussi énormément par la cuisine, le fait de se retrouver en famille autour d’un bon plat, de faire la popote avec les enfants, de partager les recettes… Ça sent bon dans toute la maison !

Que faites-vous à part la cuisine ?

Cette période est comme une parenthèse, qui me donne du temps pour me retrouver, sans courir partout comme d’habitude. Ça me permet de réfléchir à l’avenir, de me poser les bonnes questions. C’est un temps d’introspection qui peut être positif. Et ça permet de créer, de lire des livres de cuisine que je n’ai pas ­l’occasion d’ouvrir en temps normal. Je pense aux cartes de mes restaurants pour cet été, je fais des essais de plats et de goûts que j’avais envie de tester. J’ai aussi des réunions vidéo de travail avec mes collaborateurs, pour partager nos idées. Mais je prends aussi le temps de ne rien faire.

Avez-vous déjà vécu quelque chose de similaire ?

Quand j’ai eu mon accident de scooter il y a trois ans, j’ai dû rester un mois à la maison. Cet enfermement contraint m’avait été vraiment bénéfique : c’est à ce moment que j’ai réorganisé mon entreprise et lancé de nouveaux projets. Je veux voir le confinement lié à cette guerre sanitaire comme quelque chose de constructif : au lieu de m’affoler parce que je suis enfermé, je me dis que ce n’est pas non plus si terrible et que je vais utiliser à bon escient ce temps qui m’est offert. J’ai envie d’être positif.
Propos recueillis par Charlotte Langrand

Charlotte Langrand

Journaliste au Journal du Dimanche (JDD) rubriques Gastronomie-Cuisine, santé-bien-être

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