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Cuisine: le temps de mijoter

Etre chez soi et avoir du temps est l’occasion de redécouvrir et de cuisiner ces emblèmes de la cuisine au long cours : les fabuleux « mijotés ».

A défaut d’être une fête, la cuisine peut être un baume. Rien de tel qu’une cocotte fumante pour flatter les narines, réconforter les entrailles et remonter le moral. Des fourneaux, une cocotte et du temps : ces trois ingrédients simples nous invitent à revenir aux fondamentaux de la cuisine. A concocter un bon petit plat mijoté, qui ronronnera des heures à feu doux, au chaud dans sa sauce et sa garniture aromatique.

Les symboles de la cuisine au long cours

Les mijotés sont depuis toujours les symboles de cette cuisine au long court. La grande marmite de nos arrière-grand-mères, pendue dans la cheminée, abritait déjà ces recettes frémissantes, qui cuisait à petit bouillon, au-dessus de l’âtre, pendant que le temps s’étirait, paresseux. Evoquer ces plats, c’est d’ailleurs convoquer une famille entière de notre patrimoine culinaire. Voyez donc ces rassurants navarins d’agneau, blanquettes de veau, osso bucco, fricassés de volailles, bœufs à la mode, coqs au vin, pots au feu, bœufs bourguignons, potées auvergnates, cassoulets… De lointains cousins débonnaires, qui ont pourtant régalé des générations.

Cuisine: le temps de mijoter
Blanquette de veau du livre Mes petits plats mijotés dAnnabelle Schachmes

Des plats qui ont régalé des génrations

« C’est toute mon enfance et mon éducation culinaire, souligne Stéphanie Le Quellec, cheffe doublement étoilée de La Scène à Paris. Je me souviens des cocottes en fonte de ma mère et de ma grand-mère sur le bord de la gazinière… Je suis venue à la cuisine grâce à ces plats qu’on mange pendant plusieurs jours parce qu’ils sont encore meilleurs réchauffés ». Ces Madeleines de Proust collent étonnement à l’époque et au confinement car ce sont des plats « anti-gaspi » par excellence. En plus, les mijotés sont économiques : ils consistent dans le travail des « bas morceaux » de viande, pour les rendre tendres et fondants (jarrets et autres palerons ne supportent pas les cuissons courtes).

Nos mijotés sont donc issus de fourneaux populaires. Ces morceaux moins nobles ont injustement inspiré une expression péjorative, « c’est de la daube »… mais on malgré tout traversé le temps : ils ont récemment effectué un retour fracassant sur les menus des restaurants, bistrots et cafés. C’est la blanquette, avec ses petits champignons et sa sauce onctueuse, qui brille au firmament des plats traditionnels les plus appréciés des mangeurs avertis.

Des plats de bistrots comme de tables étoilées

Même les cuisines étoilées ont adopté leurs effluves enivrants : prenez le lièvre à la royale, ce mijoté aristocratique et hautement technique, qui a même son championnat du monde. « Le mijotage, c’est la plus belle des cuisines, celle des mamas, celle qui a vocation à nourrir la famille, poursuit Stéphanie Le Quellec. Mais les restaurants gastronomiques en découlent aussi : quand on fait un fond de sauce ou un jus de viande dans un établissement deux étoiles, c’est du mijoté ! Même en version sucrée : une compote de pommes, un riz au lait, en font aussi partie ! » Le chef Jean-François Piège, dans son « Grand Restaurant » deux étoiles à Paris, a fait des « mijotés modernes » sa signature. En reprenant aussi des anciens bistros du ventre des Halles, la Poule au Pot et récemment l’Epi d’Or, il célèbre les deux expressions, populaire et haut de gamme, de ces plats constitutifs de notre histoire culinaire.

Des recettes traditionnelles, françaises ou venues d’ailleurs

Cuisine: le temps de mijoter
Le livre dAnnabelle Schachmes

Cette cuisine au long cours n’est pas non plus qu’une solution pour tuer l’ennui. « C’est un plat pour tous, l’essence-même de la cuisine, estime Annabelle Schachmes, auteure du livre « mes petits plats mijotés », qui vient de sortir (éditions Solar). Il peut être végétarien ou même au poisson, à condition de le cuire moins longtemps. J’ai même découvert que toutes les cultures mijotent ! » Dans son livre, elle donne ainsi la recette de 150 mijotés, qu’ils soient traditionnellement français ou d’autres pays : des tajines, des « koresh », ce plat d’origine perse qui marie le paleron de bœuf à la rhubarbe, au persil et à la menthe ; ou la Mloukhia tunisienne, avec cette herbe réduite en poudre qui lui donne un goût très vert.

Des mijotés faciles à cuisiner

Qui dit cuisine au long court ne dit pas forcément difficulté de réalisation. « C’est infiniment simple à cuisiner, poursuit Stéphanie le Quellec. Il suffit d’une petite préparation de 15 minutes et puis le plat, à feu doux, se débrouille tout seul ! » Le mijoté est à la portée de tous les cuisiniers du dimanche… pourvu qu’ils aient le bon ustensile : l’indispensable cocotte. Idéalement, elle sera en fonte, pour une répartition parfaite de la chaleur et une hydratation du plat en continu, par condensation. « C’est très rare mais on peut parfois rater un mijoté si on met le feu trop fort et qu’on ne vient pas vérifier de temps en temps que tout va bien, précise Annabelle Schachmes. Mais sinon, on peut lire tranquillement un livre pendant la cuisson ou ranger sa maison ! »

Ces petits efforts seront largement récompensés. Les parfums qui embaument la maison et la convivialité qui se dégage de cette cocotte posée au centre de la table convoquent des images certes désuètes et démodées mais réconfortantes, en temps difficiles. « Le mijoté, c’est un vrai concentré de saveurs, estime Annabelle Schachmes. Le temps est crucial, il faut savoir attendre que les goûts se développent. On a beau customiser ou inventer plein de choses… la base de la cuisine, ça reste un bon mijoté avec sa sauce ou son jus ! » La cuisine des patients et des altruistes, que les rebonds de l’Histoire nous donnent l’occasion de redécouvrir.

Charlotte Langrand


Retrouvez la recette de mijoté de Stéphanie Le Quellec ici : la blanquette de veau infusée au café 

Charlotte Langrand

Journaliste au Journal du Dimanche (JDD) rubriques Gastronomie-Cuisine, santé-bien-être

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