Pêche durable
Ici, c’est la mer qui décide du menu et c’est tant mieux. Dans leur troisième adresse après Le Pantruche et Caillebote, Franck Baranger et Edouard Bobin soignent les assiettes mais aussi, en amont, les pêcheurs éthiques. Sans passer par les habituels intermédiaires de la grande distribution, ils ne travaillent que la pêche des petits bateaux et respectent ainsi la mer et ses saisons, cuisinant des poissons parfois moins répandus sur les étals mais tout aussi réjouissants. L’assiette justement, est d’une précision étonnante : outre de très bonnes huitres et rillettes de cabillaud parfaitement exécutées, le cannelloni de crabe en radis daïkon explose en saveurs sous l’influence du gingembre, de la pomme verte et du lait de coco ; l’œuf parfait apporte son coulant et son gras à un bouquet d’asperges sauvages aux anguilles fumées ; on fait la connaissance avec, ce jour-là, une rascasse de ligne servie avec des asperges blanches, de la rouille et une réduction de bouillabaisse ou un filet de merlan, purée de champignons et céleri rôti. En dessert, les fraises Gariguette en crème légère, meringue au citron noir et sorbet sauge-fromage blanc clôturent le repas d’une agréable brise. Une bien Belle Maison, vraiment.
Belle Maison, 4, rue navarin, 9e. www.restaurant-bellemaison.com
Merci Mersea
La street-food n’est pas forcément carnée. Et le fish and chips peut être délicieux de ce côté-ci de la Manche ! Keyvan Badri en fait la preuve, avec l’ouverture de la deuxième adresse de « Mersea », cet hiver, dans le très chic Food-Court Beaupassage. Dans un décor de « brasserie moderne », Olivier Bellin, le chef deux étoiles de l’Auberge des Glazicks à Plomodiern, a rapporté un peu d’iode bretonne à Paris et on ressent l’appel du large : une restauration rapide de qualité est possible, pourvu que le poisson, simple, sain et savoureux, soit frais et bien préparé.
Côté carte, la recette est maligne et fonctionne à merveille : on prend les grands classiques de la street-food et on les tire, pour une fois, vers le haut : du fish & chips à la française, fait minute avec une panure bien croustillante, servie avec une sauce au choix, un original mushy de lentilles ou des frites dignes de ce nom ; Le club sandwiche se pavane en tataki de thon de ligne, histoire de respecter les océan en choisissant une pêche durable ; Le burger marin détonne, avec un bun à l’encre de seiche, du lieu jaune aux algues pané, des pickles de radis maison, une sauce tartare et un ketchup au gingembre ; La blanquette se décline à la truite… Pour l’apéro, on opte pour de belles planches (tarama maison, fish balls, crème de maquereau, rillettes…). Même les huitres se payent le luxe du « pairing », servies en accord avec des shots de gin au citron noir d’Iran.
Mersea, 53-57 rue de Grenelle, 7e. www.merseaparis.com
La cabane du Pêcheur
Si l’on ferme les yeux, on pourrait presque entendre le cri des mouettes. Cette annexe du restaurant de poissons La Cagouille, s’est offert le cadre simple d’un petit cabanon de bois, comme on peut en trouver sur les côtes atlantiques : sols en planches, comptoir à écailler, tables en bois, bibelots de matelots aux murs, accueil sympathique et décontracté… Bienvenue dans l’antre de l’ostréiculteur charentais David Hervé, qui dépose littéralement la mer à vos pieds.
Ici, il faut aimer les fruits de mer et les amis. On boit le vin à la ficelle et on commande sur l’ardoise, en plateaux ou à la carte, les huitres Marennes Oléron (depuis 1939 en culture raisonnée) ainsi que les classiques du genre au grand complet : langoustines, bulots, crevettes grises et roses, demi-tourteau… La cuisine n’est pas oubliée pour autant : tartare de saumon confit, carpaccio de Saint-Jacques, moules marinières, brandade de cabillaud, soupe de poissons… C’est la gourmandise qui décide. Et s’il reste de la place, une mémorable profiterole, pas avare en chocolat chaud, achèvera de vous transporter l’esprit en vacances.
Le Cabanon de l’Ecailler, 14 place Constantin-Brancusi (14e).
L’écailler de la méditerranée
Attention, vent du sud. Pour une fois, ce n’est pas une dégustation « Atlantique » qui attend le mangeur en balade du côté de Sèvres-Babylone mais une escapade iodée venue tout droit de la Méditerranée. Au fond de la brasserie du Lutétia, que le chef trois étoiles marseillais Gérald Passédat a investi depuis la réouverture du palace, un bar circulaire se détache, où l’écailler est roi : on y propose un repas en sept services « surprises ». Le prix est élevé comme dans tout hôtel de luxe (85€) mais l’expérience vaut le détour, tant elle se distingue des autres bars à fruits de mer classiques. On s’éclaircit le gosier avec un consommé de champignons garum, avant de larguer les amarres : une planche de charcuteries de poissons « des boucaniers », qui a autant de caractère que le plus forts des jambons ; les impériales huitres Spéciales de Tarbouriech, de l’étang de Thau, subtilement réhaussées de quelques lamelles de menthe ; une « eau » d’aubergine grillée avec anchois « comme à Rapallo » (en Italie) ; pistes (supions) croustillantes au suc de persil et citron et le seul plat « chaud », les parfaites langoustine cuites minutes sur un galet rond. En dessert, de très rafraîchissants kiwis et concombres au sorbet yaourt ou, plus gourmand, un soufflé de haute volée. Le sea-bar façon phocéenne vogue en marée haute.
Hôtel Lutétia, 45 boulevard Raspail, 6e. www.hotellutetia.com
Bar iodé
L’adresse est sans chichis. Les propriétaires, Valentine et Antoine, se sont reconvertis dans la restauration après des carrières dans la finance et le droit. L’intention est belle, leur déclaration d’amour aux produits de la mer, certainement sincère et leurs efforts pour jouer la partition iodée louables : tables en bois, chaises en fer multicolores et pierres murales égayent une salle toute en longueur. Côté carte, c’est plus houleux. Elle se présente en deux parties : les plateaux à partager offrent de très bonnes huitres (celles de Utah Beach surtout) et de bons bulots mais les crevettes grises sont hélas un peu fatiguées. Dans les assiettes à partager, sans fioritures, l’inégalité pointe : un tarama un peu trop rose à notre goût mais de bonnes rillettes de la mer, un haddock fumé correct mais un thon assez sec. A la fin de la soirée, le plateau prend l’eau et c’est bien dommage.
Bar à iode, 34 boulevard Saint-Germain, 5e. www.baraiode.fr
Charlotte Langrand
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