Ne lui parlez pas « d’institution ». Bruno de Monte, le directeur de Ferrandi, l’« école française de gastronomie et de management hôtelier », sait bien qu’il est à la tête d’une des références tricolores les plus connues dans le monde, en matière d’excellence gastronomique mais : « Ferrandi n’est pas une vieille dame drapée dans sa dignité, malgré son ancienneté, elle a toujours eu un temps d’avance. » Celle-ci reste étonnamment moderne, portant avec panache son centenaire, qu’elle fêtera en 2020.
Ce jour-là, malgré les vacances scolaires, quelques casseroles chauffent dans les laboratoires du 28 de la rue de l’Abbé Grégoire, là où Ferrandi s’est installée en 1958, sur 25.000m², en plein 6e arrondissement de Paris. Des classes d’étudiants étrangers studieux s’entraînent à créer des fleurs avec de la pâte sablée, à tailler des girolles lors de la Masterclass de Fabrice Desvignes, Bocuse d’Or 2007 et MOF 20015 ou encore à garnir leurs premiers éclairs au chocolat. « Cette année, sur les 24 élèves de la classe de pâtisserie, j’ai trois médecins en reconversion, constate Alain Guillaumain, le chef-professeur. Les élèves adultes sont de plus en plus diplômés. »
Un public large pour devenir chef de cuisine ou pâtissier
Son grand âge n’empêche donc pas Ferrandi de séduire les élèves de tous bords. Il est loin le temps où elle recevait seulement des apprentis de 12-13 ans, pour des ateliers-école sur les métiers de la charcuterie, la poissonnerie ou la vente en épicerie. Aujourd’hui, Ferrandi accueille tous les publics qui veulent se frotter à la haute cuisine, du CAP à l’enseignement supérieur (bac+6) : des adolescents sortant de classe de 3e à des étudiants ayant un bac général, une maîtrise ou issus d’écoles d’ingénieurs… Le charme de l’école s’exerce aussi sur les adultes en reconversion et sur les étudiants internationaux désireux d’apprendre la technique, dans le giron de la cuisine française, patrie des Bocuse, Robuchon ou Ducasse. Ferrandi accueille ainsi 2500 élèves, dont 300 Internationaux et dispose de trois autres campus à Bordeaux, Saint-Gratien et Jouy-en-Josas, en attendant les prochains à Dijon et Rennes.
Un métier longtemps dénigré, qui est devenu glamour
« Notre école doit préserver le subtil équilibre entre l’enseignement des fondamentaux et des grands classiques de la gastronomie, comme une grammaire indispensable, avant de les laisser eux-mêmes composer leur partition, avec leur propre créativité », poursuit Bruno de Monte. Le temps où la filière de la cuisine n’était qu’une voie de réorientation pour élèves en difficulté est bien révolu : depuis, les émissions comme Top Chef sur M6, ont métamorphosé l’image du grand public sur les métiers de la cuisine. Les chefs deviennent parfois des stars, leurs créations sont suivies par des millions de « followers » sur les réseaux sociaux, suscitant des vocations nouvelles : « Le profil des élèves a changé, les parents autorisent leurs enfants à suivre cette filière, même s’ils ont de bonnes notes dans le cursus généraliste, poursuit Bruno de Monte. Mais nous veillons, au cours de l’entretien préalable à toute formation, à ce que les candidats aient une réelle motivation pour les métiers de la cuisine et pas seulement pour passer à la télé ou être populaire sur Instagram. »
Même garante du savoir-faire patrimonial de la cuisine française, l’école s’est mise au diapason des tendances en créant des formations sur les nouvelles façons de manger : apparition de la bistronomie, retour du gibier, cuisine « saine », végétarisme ou alimentation sans-gluten… Et cette modernité attire : l’école compte 700 candidats pour des reconversions en cuisine, alors qu’il y a 140 places… à partir de 8200€ (4 mois de cours et 4 de stage). Un prix à payer pour mettre ses pas dans ceux des anciens élèves, devenus de prestigieuses toques : Bertrand Grébaut, Adeline Grattard, Tomy Gousset, Wiliam Ledeuil…
Charlotte Langrand