Il n’y a pas que le duo vanille-fraise à l’italienne dans la vie d’un gourmand. Ce grand classique partage désormais la vedette avec des créations de plus en plus inventives. Car, dans la lignée de la pâtisserie, qui a entamé sa mue sous l’impulsion d’une nouvelle génération de pâtissiers, le rayon glaces se met lui aussi à l’aise. Dans les bacs, vanille, fraise ou chocolat côtoient maintenant des parfums moins habituels comme la rhubarbe ou des duos fruits/plantes qui penchent du côté jardin : chez Yann Couvreur, on trouve un sorbet fraise-verveine ou citron vert-menthe et chez Pierre Hermé, un « Jardin de l’Atlas » au citron, à la fleur d’oranger et miel du Maquis ou un « Jardin Japonais » au citron, griotte et fève tonka.
Des crèmes glacées éthiques et sourcées
L’époque réclame aussi, à juste titre, moins d’additifs et de colorants. Les glaciers s’adaptent donc et inventent de nouvelles astuces… Le pâtissier Hugues Pouget, chez Hugo&Victor, a ainsi mis au point un mélange de fécules de maïs et de pommes de terre aux graines de psyllium qui garantit aux glaces une bonne tenue naturelle. Les intolérants au lactose ou les végans peuvent aussi retrouver le chemin du glacier: les recettes sans produits laitiers commencent à arriver sur le marché. Par exemple, la glace au lait d’amande et griottes de chez Picard. Ou encore mieux, le fameux Sunday revisité par la nouvelle enseigne « Plan D » par Daimant collective (Paris 10e). 100% végétale, elle promet aussi d’avoir du goût, avec sa recette à base de cacahuètes-chocolat-caramel et fleur de sel.
Tout ceci n’est pourtant que la partie sage de la nouvelle « planète glaces ». En marge de ces créations déjà originales, plusieurs nouveautés, aux styles diamétralement opposés, émergent. On trouve autant des glaces décadentes inspirées de la junk-food américaine que des sorbets plus gastronomiques, avec des parfums… salés. Sans compter sur la dernière folie venue du Japon : les mochis. Sélection glacée.
Des glaces-gâteaux pour gourmands décompléxés
La glace lorgne vers la pâtisserie régressive et son succès incontesté auprès des consommateurs. Elle se love sans sourciller dans des brioches ou emprunte sans rougir les recettes des gâteaux les plus crémeux et dodus. Prenez par exemple la babka, cette brioche tressée au chocolat qui cartonne depuis deux hivers en France. La boutique Babka Zhana et la glacerie Glazed se sont associés pour inventer une « soft serve » (forme de tourbillon et texture onctueuse) qui a été… infusée à la babka. Ils ont aussi imaginé un pot de glace à la brioche, avec fudge, chocolat noir et noisettes…
A la Manufacture des Belles Glaces, on trouve des pots glacés au goût de cannelés bordelais ; chez Nicolas Bernardé, des cakes glacés et chez Christophe Michalak, des goûts de « tarte chocolat » ou de « Paris-Brest », avec de vraies noisettes, des billes en chocolat ou du caramel, qu’on ne sait si l’on mange une glace ou un gâteau. Le Meilleur Ouvrier de France David Wesmaël, fondateur de La Glacerie, a aussi dégainé un fraisier glacé en forme de grosse fraise plus vraie que nature ainsi qu’une tarte au citron et un Saint-Honoré glacés.
La glace-sandwiche américaine revisitée
On assiste aussi à l’arrivée d’un phénomène jusqu’ici américain : le sandwiche à la glace. Le concept est littéralement de la crème glacée emprisonnée entre deux biscuit viennois moelleux. C’est encore Dumbo qui, avec le pâtissier du Ritz François Daubinet et le champion du monde glacier Alain Chartier, a décidé d’emprunter à la junk-food ce snack glacé 100% USA (et 100% industriel à la base…), pour le revisiter avec de meilleurs ingrédients, mieux sourcés: il se déguste au caramel/cacahuètes, au chocolat/lait frais ou à la vanille de Madagascar et à la confiture de fruits rouges du Morbilhan…
Autre snack glacé décomplexé, les crèmes glacées à la vanille insérées entre deux véritables cookies, imaginées par Cookidiction. Ou la dernière trouvaille de la boulangerie parisienne « SAIN » à Paris: le fondateur, Antony Courteille, a non seulement décidé de faire des sandwiches « cuisinés » originaux mais ses glaces, bio et artisanales, suivent le même principe : au pain au chocolat, à la fraise ou au miel/CBD, elles se dégustent soit en pot soit… enfermées dans une petite brioche. La tendance fait fureur, même dans les palaces : au Crillon, le chef Mathieu Carlin propose, en terrasse, des cookies glacés sur bâton, au caramel beurre salé et vanille.
Des glaces salées pour se croire au gastro
Que diriez-vous d’une glace au persil ou au gorgonzola ? Les chefs jouent la carte de la glace salée de qualité. C’est le cas chez Alain Ducasse, qui vient d’ouvrir sa première glacerie (Paris 11e), avec, aux côtés des parfums classiques, des glaces plus « cuisinées » qui jouent sur les ingrédients, la recette et la texture. On trouve une association de trois sortes de vanilles différentes, la réapparition du granité ou enfin, des parfums salés comme une étonnante et délicieuse glace à l’huile d’olive, un sorbet aux herbes (coriandre, basilic, estragon, persil et menthe) ou des saveurs de cocktails (pamplemousse-vermouth par exemple). Le chocolatier Jacques Génin, lui aussi, imagine chaque année un parfum original : après le persil et la courgette, ce sera, cette année, le tour des petits pois !
Ces goûts plus travaillés se rapprochent de l’univers de la gastronomie, où il n’est pas rare de servir des quenelles de glaces salées dans un plat à l’assiette. La marque Emkipop, à Aix-en-Provence et à Marseille, propose ainsi des parfums au sésame noir et même au fenouil-citron vert/cryste marine. Chez le glacier italien de luxe Il gelato del Marchese à Paris, on mord carrément dans des glaces tomate/basilic ou au parmesan. La plus belle audace se trouve chez Glazed qui a osé le parfum à l’os à moelle mais aussi des saveurs épicées, venues d’Inde par exemple (imaginées avec Beena Paradin), avec entre autres un mélange chocolat/garam massala, un autre à l’ananas rôti et curry et enfin, une courgette bio au Panch Phoron (fenugrec, fenouil, moutarde, cumin, nigelle).
Des mochis pour voyager
Le mochi est un dessert japonais de la taille d’une petite balle et aussi poudré qu’une Dame de compagnie à la Cour du Roi. Il est traditionnellement fait d’une pâte de riz gluant, fourré d’une purée de haricot rouge (azuki) et saupoudré d’amidon de maïs. Cette pâtisserie nippone se déguste pendant la cérémonie du thé, pour adoucir l’amertume du matcha.
Depuis le film « les délices de Tokyo » de Naomi Kawase (2015), dans lequel les protagonistes cuisinent des « dorayaki », un autre dessert au haricot rouge, les sucreries nippones ont le vent en poupe. Après que les becs sucrés se sont emparés du mochi, sa version glacée s’est répandue en Amérique et en Europe et a même changé de nom pour « bubbies ». Naturellement sans gluten, végétal et sans matière grasse, le mochi séduit donc les adeptes des pâtisseries moins sucrées, si bien que de jeunes marques françaises produisent des mochis glacés français, principalement vendus en grandes surfaces (Exquis mochis, Little Moon, Le Mochi Glacé By Tiliz).
Charlotte Langrand