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∼ La Table des Bons vivants ∼
Invitée du jour:
Raphael Enthoven, pour son livre “Krasnaïa” aux éditions de l’Observatoire.
Sujets du jour: des crêpes, le Nouvel An chinois et des poireaux vinaigrette
– Chandeleur : Suzette, Georgette, crêpes des Chartreux, crêpe Mylène, gâteaux de crêpes… C’est le retour des crêpes “vintage”. Leçon de crêpes en compagnie de Catherine Beuzit, double médaillée d’or du meilleur crêpier de Bretagne, de la crêperie « Mademois’elle Breizh » à Plougasnou dans le Finistère.
– Le plat du jour: Les poireau vinaigrette du chef Hugo Richier du restaurant Terre à Paris (11e)
– Le Nouvel An chinois : découverte de la symbolique des plats chinois (prospérité, longévité…) pour cette soirée particulière, en compagnie d’André Tan, de Tiger Tiger et Panda Panda. Et ne pas confondre plats chinois avec les autres spécialités asiatiques…
Goût de la semaine : le restaurant Deux à Paris 11e
Un bistrot nommé Deux parce que deux chefs, Tiphaine Mollard et Romain Casas fusionnent leurs talents et leurs origines: elle vient de Savoie et lui du Béarn. Leur objectif: dépoussiérer et décloisonner la cuisine régionale en mariant les produits. Par exemple: croquettes de jambon ibérique avec sauce à la tomme de Savoie; Côte de cochon Ibaïama d’Eric Ospital avec risotto crémeux de crozets et céleri fumé au pin landais. Et coup de coeur pour le pot au feu végétarien aux gnocchis d’épinards et persil.
Chronique du jour: Petite philosophie de l’hédonisme à table
——–> A écouter ici (à partir de 33mn25) ou à lire ici :
Qu’est-ce qu’être “bon vivant”?
Une question existentielle, parfois me taraude… Quand je suis au Café des Ministères, devant le meilleur Vol au Vent de la Capitale, avec son feuilleté parfait qui déborde de ris de veau, de volaille… et bien, je me demande : Suis-je plutôt épicurienne ou hédoniste ?! Ou plutôt, dois-je céder à l’hédonisme de l’abondance de Montaigne ou à l’hédonisme de la frugalité d’Epicure ?
Oui j’ai bien dit « Epicure » et « frugalité » dans la même phrase : il y a une énorme méprise depuis toujours à propos de ce philosophe : on emploie le mot « épicurien » à tort et à travers, faisant d’Epicure l’emblème d’un bon vivant toujours « excessif et sans limites », qui s’empiffrerait le Vol au Vent ET le bœuf Wellington du Café des Ministères à la suite…
L’hédonisme d’Epicure: le plaisir raisonné, sans excès
Oui, Epicure fut injustement accusé d’incitation à la débauche alors qu’il conseillait une vie de plaisirs « raisonnés », c’est-à-dire de profiter des plaisirs dits « naturels et nécessaires » (la faim, la soif, le désir sexuel) dans le but d’atteindre ce qu’il appelait l’ataraxie c’est-à-dire un équilibre harmonieux.
Pour lui, les plaisirs en excès rendent l’homme dépendant et le privent de sa liberté et il va même plus loin : il proscrit aussi les plaisirs dits « non naturels et non nécessaires » (la recherche de gloire, des honneurs ou de la richesse) ! Epicure, c’était donc la tempérance au service du plaisir pour « jouir loyalement de son être ». Lui, il aurait adoré la justesse des gnocchis aux épinards et au persil du pot-au-feu végétarien du restaurant Douze, à Paris !
L’hédonisme de Montaigne: la quête de la volupté
Montaigne, qui n’entendait rien à la cuisine, ne distinguait pas un chou d’une laitue et ne comprenait rien à « la police des sauces », aimait en revanche « manger goulûment », se mordait souvent la langue « de hâtivité » et « ne dédaignait pas de boire ». Gageons qu’il aurait eu son rond de serviette chez A Mi Chemin à Paris dans le 14e, chez le chef Nordine Labiadh, dont le couscous est aussi délicieux que pantagruélique.
Montaigne, dans les Essais III, a donc petit à petit glissé vers un discours anti-stoïciens, assumant sa quête de volupté et de « jouir aussi du culturel et du superflu » et confessant ses excès, sans se repentir. Il trouvait l’hédonisme minimaliste d’Epicure un peu austère et l’âge ne l’a pas assagi puisque qu’il disait que « lorsque le désir décroit avec la vieillesse, il convient de le réveiller ».
Nous aurions aimé les avoir à notre « table de bons vivants » pour en discuter. Mais vous qui les connaissez par cœur, Raphael Enthoven, est-ce que vous savez s’ils ont vraiment vécu conformément à leur propre doctrine ?